Contrats EPC vs contrats BOT

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la préférence marquée des entreprises chinoises pour des contrats clés en main assis sur des garanties souveraines négociées par le gouvernement chinois. Cette tendance était encouragée en 2016 par le Rapport sur le développement de l’investissement et de la coopération de la Chine à l’étranger 中国对外投资合作发展报告  2016  qui insistait explicitement sur l’aggravation des causes d’instabilité comme raison de préférer les contrats d’EPC (Engineer – Procure – Construct) à ceux de BOT (Build – Operate – Transfer).

Toutefois, nous notions aussi la volonté de plus en plus affirmée par la Chine de privilégier les contrats de type BOT, voire BOO, et les partenariats publics privés afin de limiter les recours à des financements chinois (voir Routes de la soie, Afrique et prestations clés en main ).

L’édition 2017 du Rapport sur le développement de l’investissement direct à l’étranger et la coopération économique 中国对外投资合作发展报告 2017 mentionne en pages 46-47 que le MOFCOM a publié en mars 2016 un document intitulé Orientations pour inciter les entreprises centrales à développer des projets de construction à l’étranger « associant la construction et l’exploitation » 关于推动中央企业大力开展境外建设项目“建营一体化”工作的指导意见 dans le but favoriser l’exportation des techniques, normes et équipements chinois促进中国技术、标准和装备更好的“走出去”. Le Rapport signale instamment que c’est la première fois que les plus hautes instances du gouvernement chinois mettent l’accent sur l’association de la construction et de l’exploitation.

Le texte même des Orientations ne m’a pas été disponible en ligne, mais il est possible de trouver l’interview du directeur du Bureau du commerce extérieur du Département du commerce de la province du Jiangsu, Lu Jian, paru dans la livraison d’avril 2017 de la revue Recherche et développement du Commerce 商务发展与研究. Dans cet interview nous apprenons que la province du Jiangsu, dont les entreprises du BTP – même si elles ne sont pas des entreprises centrales – réalisent de nombreux contrats clés en main, a promulgué aussi des Orientations pour inciter les entreprises du BTP de la province du Jiangsu à développer des projets de construction à l’étranger « associant la construction et l’exploitation » 关于推动江苏省对外承包工程企业开展境外建设项目"建营一体化"工作的指导意见. Dans ses propos, Lu Jian insiste sur deux aspects du rôle attendu de ces contrats : d’une part, renforcer la compétitivité propre des entreprises chinoises du BTP ; d’autre part de mieux structurer l’organisation de la prise en charge des risques liés à l’internationalisation de l’activité.

Clairement cette nouvelle forme marque une évolution par rapport à la pratique antérieurement soutenue par le gouvernement chinois qui préférait les contrats de d’EPC (Engineer – Procure – Construct) ou de DB (Design – Build), mais ce document ne donne aucune indication permettant de savoir si le modèle retenu est celui de la concession ou celui du BOT (Build – Operate – Transfer), sachant que dans le premier cas la rémunération de l’opérateur lui est assurée par les utilisateurs, tandis que dans le second cas c’est le donneur d’ordre (autorité publique) qui rémunère les services de l’opérateur.

Dans un interview qu’il donne le 1er janvier 2018 au Rapporteur économique du 21e siècle 21世纪经济报道 , Zhou Chao, vice-directeur général de la China Overseas Infrastructure Development and Investment Corporation (COIDIC) [1], indique expressément qu’au modèle antérieur fondé sur l’exportation de main-d'œuvre et de capitaux, doit évoluer vers un nouveau modèle supposant une exportation concomitante de techniques et de normes ainsi qu’une exploitation de l’infrastructure qui a été réalisée. Un autre vice-directeur général de la COIDIC, Nicholas Mitsos, précise : « À travers cette nouvelle structure, nous cherchons à montrer que les Chinois et les institutions occidentales peuvent faire équipe pour soutenir des projets d’envergure dans les pays en développement. Une fois ces projets achevés, les investisseurs et les prêteurs peuvent obtenir des rendements élevés en offrant leurs participations à des fonds de pension, des compagnies d’assurances d’autres investisseurs institutionnels à la recherche d’actifs plus rentables que les obligations souveraines »[2].

Si la Chine ne veut plus à l’avenir assumer elle-même le risque de financer des opérations garanties par des dettes souveraines africaines, pourquoi des opérateurs privés rachèteraient-ils des telles participations – en particulier les fonds de pension privés dont l’avidité en même temps que l’aversion au risque ne sont plus à démontrer?


Notes

[1] La China Overseas Infrastructure Development and Investment Corporation Limited (COIDIC) 中国海外基础设施开发投资有限公司 a été créée le 12 septembre 2016 avec le soutien de la Banque mondiale qui ne participe toutefois pas à son capital de 500 millions de dollars. Parmi ses actionnaires, on trouve les entreprises et banques chinoises suivantes : China Development Bank (CDB), China-Africa Development Fund (CADFund), China Gezhouba Group Overseas Investments, China Telecom Global Limited Changjiang Survey, Planning, Design and Research (CISPDR), China ENFI Engineering Corporation et HCIG Energy Investment.

[2] Communiqué de l’Agence Ecofin du 13 octobre 2016 : https://www.agenceecofin.com/investissement/ 1310-41635-la-banque-mondiale-n-investira-pas-dans-la-china-overseas-infrastructure-development-and-investment-corp .