Dans un billet antérieur , nous soulignions qu’il fallait se garder de mal interpréter les intentions chinoises, que celles-ci n’étaient ni bonnes ni mauvaises en soi mais qu’elles se pliaient à une logique de marché. Il nous est venu une autre raison pour laquelle ce que des journalistes trop « enthousiastes » considèrent comme de l’aide ne pouvait être de l’aide.

Travaillant, dans le cadre d’un projet sans rapport avec les relations sino-africaines, à établir un bilan socio-économique de trois districts de la province du Shaanxi, les chiffres nous ont rappelé que la grande pauvreté n’était pas seulement africaine mais aussi chinoise. Le PNUD peut calculer pour la Chine un indicateur de développement humain[1] de 0,695 en 2010, ce qui la place au 101° rang des 187 pays pris en considération et la situerait derrière la Jordanie mais devant le Turkménistan[2]. Et si la province du Shaanxi réalise en moyenne le même score que la Chine, les trois districts que nous étudions « flirtent » avec le Congo Brazzaville, le Kenya et l’Angola en termes de développement humain. Comment les habitants de ces trois districts qui vivent sous perfusion (de 80 à 90% de leurs ressources budgétaires sont des subventions) avec de médiocres résultats pourraient-ils accepter que l’on distraie des fonds chinois pour aider au développement de pays étrangers guère moins bien lotis qu’eux-mêmes ? Inversons la question. Un Congolais, un Kényan, un Angolais… accepteraient-ils de bon gré de financer le développement des districts pauvres de la Chine ?

Cette question de la dispersion des fonds, nous en avions déjà fait état en rapportant un article – parmi d’autres – paru dans la presse chinoise en juillet 2014 . Nous avions aussi signalé le tournant vers une logique de marché de la politique d’aide . Le discours de Xi Jinping lors du FOCAC en décembre 2015, qui met l’accent sur le soutien financier aux entreprises chinoises qui investiraient ou commerceraient en Afrique, peut lui en revanche être accepté dans la mesure où ce soutien financier sert d’abord et avant tout à entretenir une activité économique en Chine-même. N’évoquons pas les exportations chinoises vers l’Afrique, rappelons seulement que toutes les fournitures des grands chantiers chinois en Afrique – sans compter la main-d’œuvre – viennent de Chine. Les bénéfices socio-économiques que tire la Chine de cette politique de crédit lié vaut bien qu’elle applique des taux préférentiels, qu’elle remette de dettes ou fasse des dons. In fine, ces activités sont toutes destinées à soutenir la croissance chinoise avec l’espoir que les districts les plus pauvres en récupèrent quelque avantage.

Citation :

Nations have no permanent friends or allies, they only have permanent interests [Lord Palmerston, 1784-1865]

Lire la suite à 60 milliards de dollars d'« aides »... [3]


[1] Rappelons que l’indicateur de développement humain est un indice composite qui tient compte à la fois du niveau éducationnel d’une population, de son niveau sanitaire et de son PIB par tête.

[2] Voir le tableau 1 du Rapport sur le développement humain 2013