La Chine, le cuivre et l'exploitation des ressources africaines
Thierry Pairault
19 septembre 2016

Un des reproches fait à la Chine est l’exportation de ressources naturelles sans retombées développementales ou industrialisantes pour les pays africains. Si l’on regarde les statistiques d’exportations de cuivre (minerai [classe CTCI 283] et produit affiné [classe CTCI 682]), la situation n’apparaît pas aussi caricaturale – ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait pas de problèmes.

D’une manière générale (voir tableau 1), la Chine importe une fois et demie plus de cuivre affiné que de minerai de cuivre. Le premier pays africain à exporter du minerai de cuivre vers la Chine est la Mauritanie (9e rang des fournisseurs de la Chine) avec 1,6% des importations chinoises de minerai de cuivre. En revanche la Zambie et le Congo (RDC) arrive aux 7e et 8e rangs des fournisseurs de la Chine en cuivre affiné avec respectivement 5,6% et 4,5% des importations chinoises de cuivre affiné. Quant à l’Afrique prise dans son ensemble (voir tableau 2), la Chine s’y approvisionne pour 3,6% de ses achats en minerai de cuivre et 11,4% de ses achats en cuivre affiné. Globalement, la valeur des importations chinoises de cuivre affiné africain s’élève à près de cinq fois celle des importations chinoises de minerai de cuivre.

Tableau 1. – Importations chinoises de cuivre (2015)

Source : Base de données en ligne de la CNUCED http://unctadstat.unctad.org/

Tableau 2. – Importations chinoises de cuivre en provenance d'Afrique (2015)

Source : Base de données en ligne de la CNUCED http://unctadstat.unctad.org/

Au regard de ces données, les achats chinois de cuivre en Afrique pourraient favoriser une certaine industrialisation des pays producteurs. Avant d’interroger cette affirmation, nous devons noter que transformer du minerai brut en produit raffiné sur le carreau des mines permet non seulement de réduire les coûts de transport en réduisant le volume transporté, mais encore de bénéficier d’une main-d’œuvre locale meilleure marché que la chinoise. Pour autant quel est le réel bénéfice pour le pays producteur. Si nous considérons le cas de la Zambie, le China Nonferrous Metal Mining Co (CNMC) – une entreprise sous la tutelle directe du gouvernement central chinois – a été missionnée par le gouvernement chinois pour concevoir et gérer une « zone de coopération économique et commerciale à l’étranger » (ZCEC 境外经贸合作区) en l’occurrence en Zambie. L’instauration de ces zones doit répondre à des critères réglementaires purement chinois comme le stipule une ordonnance chinoise de 2010 qui précise qu’elles sont destinées à servir les entreprises chinoises à l’étranger. De telles ZCEC sont au nombre de treize dans le monde dont quatre en Afrique. Le MOFCOM recense à cette adresse [cliquer ici] les ZCEC et leurs adjudicataires chinois.

Le miracle économique chinois est souvent attribué à ses zones économiques spéciales (ZES) ; aussi nombre de pays africains ont-ils désiré que la Chine crée de telles ZES chez eux. Ce ne fut pas un émerveillement, loin de là, car c’était oublié que les ZES créées en Chine par la Chine, dans le cadre d’une stratégie intelligible de développement, ont servi à attirer des entreprises étrangères (i.e. occidentales) sélectionnées avec soin pour leurs hautes technologies. En revanche, les ZCEC créées par la Chine en Afrique servent à héberger des entreprises chinoises de main-d’œuvre. De surcroît, l’attribution de ces ZCEC chinoises en Afrique s’est faite en Chine par appels d’offres organisés par le ministère chinois du Commerce, aussi ces nouveaux territoires s’apparenteraient-ils moins à des zones franches qu’aux concessions étrangères que connut la Chine au XIXe siècle. Dans de telles conditions, les transferts de technologie attendus et effets industrialisants subséquents risquent d’être beaucoup plus limités que ce que pouvaient espérer les gouvernements africains.