Petite histoire des normes ferroviaires chinoises : le cas de la Guinée
Christian Bret nous écrit.
La norme ferroviaire chinoise – y compris pour les lignes modernes à grande vitesse –, n’est ni une création du régime communiste chinois, ni même une création chinoise. C’est en réalité une création japonaise quand le Japon occupait la Mandchourie et avait repris aux Russes la ligne entre la Sibérie et Dalian (anciennement Port Arthur). Dans les années 1930, tant l’URSS que le Japon voulaient maintenir la circulation des marchandises entre les deux territoires, mais le Japon, méfiant, décida de changer l’écartement des voies, et d’adopter l’écartement « standard » de 1 435 mm, ce qui interdisait la pénétration surprise de chars et matériels militaires soviétiques. En revanche, les ponts et tunnels ayant déjà été construits du temps des Tsars, il n’y avait pas d’inconvénient à accepter que le gabarit des véhicules chargés sur les bogies fût le gabarit russe, plus haut, plus large, que le gabarit dit standard. Au contraire, la charge transportée était plus importante. L’URSS ayant conservé et géré la base de Dalian jusqu’en 1954, ses convois (dont une bonne partie des convois militaires pendant la guerre de Corée) ont abondamment circulé en Mandchourie. Pour des raisons politiques, mais aussi par un effet d’entraînement technique, cette norme « mandchoue » qui était techniquement la plus performante a été progressivement généralisée à tout le réseau chinois. Il résulte d’une combinaison de pragmatisme et de considérations politico-militaires.
C’est cette norme « mandchoue » qui s’applique au chemin de fer minier de Guinée. Du strict point de vue du transport, c’est sans doute la meilleure solution (tare, prix, charge à l’essieu, capacité d’emport). En revanche, en raison de la hauteur et de la largeur du matériel roulant, ce choix impose des coûts supplémentaires pour la construction de la ligne (l’emprise de la ligne plus large, impact foncier plus important) et la construction des ouvrages d’art (ponts et tunnels plus larges et plus hauts) que si le choix s’était porté sur les normes européennes. En milieu urbain dense, ce choix n’aurait sans doute pas été retenu.